« La nuit tombera sur nous tous et l'autocar s'arrêtera. Je profite de la brise qui m'est offerte et de l'âme avec laquelle il m'est donné d'en profiter, et je ne pose plus de questions et ne cherche plus. Si ce que j'écris dans le livre du voyageur peut, lorsqu'il sera lu par d'autres à une date ultérieure, les divertir également au cours de leur voyage, alors tant mieux. S'ils ne le lisent pas ou ne se divertissent pas, c'est très bien aussi. »
— Fernando Pessoa, The Livre de l’Intranquillité
« Les mots qui apparaîtront savent des choses sur nous que nous ne savons pas sur eux. »
— René Char, Chants de la Balandrane
Rencontre
Debout face à moi, je vois d’abord ses cheveux gris, ondulés et mouillés ainsi que l’épais habit dans lequel elle s’est emmitouflée. Elle a toujours un sac en plastique banal dans lequel elle a rangé son maillot de bain et sa serviette humides. Ses ongles de mains sont peints du même vernis blanc fatigué.
Marie ? Vous vous souvenez de moi ? Nous nous sommes rencontrées l’été dernier et…
Marseille de Janeiro, c’est bien vous ?
Carnaval
Le centre de São Paulo, souvent si sombre, décadent, délaissé, s’illumine au passage généreux du cortège féminin. Les tags deviennent poésie urbaine, les fenêtres des habitations se transforment en des loges de choix. Même le ciel retrouve sa couleur bleue.
Voyage
Au commencement était le Voyage, et le Voyage conduisait auprès de la Lumière, et le Voyage était la Lumière. Le Voyage était au commencement en la Lumière de la nuit et de l’aube auxquelles le soleil ardent des tropiques confère une autre densité.
Diapause
Janaína secoue le voile bleu clair à la fenêtre du salon. Une coccinelle s’y est confinée et elle s’étonne de la retrouver là, immobile, depuis déjà plusieurs jours. L’insecte serait-il mort et aurait-il séché après être resté accroché au bout de tissu suspendu à la barre de laiton ? L’idée de devoir potentiellement déloger ce minuscule cadavre rouge momifié la révulse légèrement.